Les Grands Magasins étaient à l’origine des lieux de l’art par leur architecture remarquable. Cette tradition perdure chez certaines grandes enseignes (cf. KaDeWe ou Galeries Lafayette). Ils sont aujourd’hui des mécènes sur lesquels l’art peut compter. Enfin, un nouveau concept, art & commerce, ou commerce & art, devrait faire des émules, le K11 Musea, à Hongkong.
Naissance des Grands Magasins à Paris
Le concept de Grands magasins n’est pas si ancien. On doit le premier à Aristide et Marguerite Boucicault. En 1869, après avoir confié la réalisation d’un somptueux bâtiment rue de Sèvres à l’architecte L.A. Boileau et à l’ingénieur Gustave Eiffel, ils inaugurent Le Bon Marché. Un article de France-archives raconte l’épopée commerciale d’Aristide Boucicault.
Du Bon Marché au Printemps
Le Printemps, sur la rive droite, boulevard Haussmann, lui fait concurrence. En 1874, des ponts de fer relient les différents bâtiments, et des ascenseurs révolutionnaires (Léon Edoux les a présentés pour la première fois à l’Exposition Universelle de Paris, en 1867) attirent les curieux. Le magasin, en partie détruit en 1882, est reconstruit dans un style néoclassique et aménagé dans le style Art Nouveau. Un autre incendie en 1921 donne lieu à de nouveaux aménagements, Art déco.
La Samaritaine
Sur la rive droite, encore, Ernest Cognacq et Marie-Louise Jay, ancienne vendeuse du Bon Marché, fondent la Samaritaine, à l’angle du quai de Seine et de la rue de la Monnaie. Les travaux sont confiés à un grand nom de l’architecture, Franz Jourdain (Les magasins 2 et 3 suivent, en 1925-1930, dans le style Art déco, réalisés par Henri Sauvage).
les Galeries Lafayette
De même, à l’aube du XXe s., les Galeries Lafayette, qui ont acheté de nombreux espaces entre le boulevard Haussmann, la chaussée-d ’Antin et la rue Lafayette, inaugurent un bâtiment et une immense coupole Art-Nouveau,dont la réalisation a été laissée aux plus grands, comme Louis Majorelle pour la ferronnerie ou l’école de Nancy concernant les vitraux.
L’architecture métallique, les murs rideaux néo-classiques ou, bientôt, Art déco, les aménagements intérieurs qui suivent les courants de la mode, font des bâtiments de ces grands magasins des lieux remarquables.
Et aujourd’hui?
C’est le même esprit qui anime aujourd’hui certaines grandes enseignes. A Paris, le groupe LVMH fait restaurer et réaménager La Samaritaine par l’agence japonaise Sanaa Architecture. A Berlin, l’enseigne KaDeWe se donne une nouvelle jeunesse en faisant appel au prestigieux cabinet OMA de Rem Koolaas, tandis que les Galeries Lafayette, dans le quartier de Mitte, occupent un bâtiment réalisé par Jean Nouvel.
Escalier Twist, KaDhttps://store.kadewe.de/home-and-away/architektur-rem-koolhaas/eWe, (OMA) Galeries Lafayette, Berlin (photo Léa, 2013) Galeries Lafayette, Berlin (photo Léa, 2013) Galeries Lafayette, Berlin (photo Léa, 2013)
Les Grands Magasins organisent également des expositions. Ainsi, dès 1954, Charlotte Perriand orchestre l’exposition « Proposition d’une synthèse des arts, Paris 1955. Le Corbusier, Fernand Léger, Charlotte Perriand » dans les Grands Magasins de Tokyo puis Kyoto. Elle y présente des objets utiles et décoratifs, mobilier, tapis, tapisseries et tableaux.
Les Grands Magasins ont d’ailleurs chacun un directeur artistique qui œuvre pour les grandes occasions, comme la décoration des vitrines à Noël. Au Bon Marché, par exemple, on s’y prépare un an à l’avance. (Photo ci-contre, une vitrine des Galeries Lafayette, par My B. , 2020.11.28, site sortiraparis.com)
Mais la tendance est maintenant d’aller plus loin entre le grand commerce et les arts. Les Galeries Lafayette ont boulevard Haussmann un lieu d’exposition, La Galerie des Galeries et, depuis 2018, une fondation de promotion des arts, Lafayette anticipations, qui « offre des moyens sur-mesure uniques pour produire, expérimenter et exposer des œuvres nouvelles d’artistes internationaux issus des champs de l’art contemporain, du design, de la musique et des arts vivants », lit-on sur le site. Le lieu ? un immeuble du XIXe siècle rénové et restructuré par l’architecte Rem Koolaas, dans le quartier du Marais (9, rue du Plâtre, 75004).
Enfin, à Hongkong, le K-11 Musea
À Hongkong, Adrian Cheng a franchi le pas en réunissant en un seul et même lieu le commerce et l’art contemporain, le K11 Musea. Adrian Cheng, fils du magnat de l’immobilier hongkongais Henry Cheng, a lancé en 2017 la construction d’un complexe dans le quartier chic de Tsim Sha Tsui, près du port Victoria. Ce complexe comprend une tour de bureaux (K11 atelier), un hôtel et une résidence de luxe, et K11 Musea, un lieu dédié à la fois à la consommation et à l’art contemporain.
Pour K11 Musea, Adrian Chng a fait appel à de nombreux designers et créateurs. Le bâtiment s’organise autour d’un atrium surmonté, six étages au-dessus, d’une coupole, conçus par l’architecte paysagiste anglais James Corner et le designer hongkongais Otto Ng (agence LAAB) dans un style organique. Autour, des boutiques de luxe alternent avec des espaces de repos ou de contemplation conçus par des artistes contemporains ou pour accueillir des œuvres d’art contemporain. Parmi les œuvres exposées, on peut citer le perroquet à cinq couleurs de Zhang Enli, Soulful de Damien Hirst, ou, entre deux escalator, un des ours polaires de Paola Pivi.
… « Un jour, avait écrit Andy Warhol en 1975 dans son Journal, tous les grands magasins deviendront des musées et tous les musées deviendront des grands magasins »
Pour aller plus loin…
Connaissance des Arts, La Samaritaine : renaissance d’un chef-d’œuvre de l’Art Nouveau
Francearchives. Naissance des grands magasins : le Bon Marché